Un quartier d'Istanbul...
Je vous partage quelques-uns de mes souvenirs personnels
RÉCITS DE VIE
1/25/20253 min lire


Si vous avez l’occasion de visiter Istanbul, mes amis, allez revoir pour moi, s’il vous plait, Kadirler Yokuʂu, à la jonction des quartiers de Beyoğlu et de Cihangir. C’est dans cette rue que j’habitais, en 2004-2005, en bas à gauche de la longue pente reliant Istiklal Caddesi aux rives du Bosphore… Si Kadirler en elle-même ne présente pas un grand intérêt, sa situation géographique vous mettra à portée des trésors de la ville.
En partant de mon ancien appartement qui se trouve en contrebas (je ne me souviens plus du numéro, mais vous ne pourrez pas rater sa couleur mauve), il faudra aller à droite afin de parvenir à cette fameuse rue escarpée dont le nom m’échappe également aujourd’hui. Arrivés à son carrefour, vous serez face à une petite épicerie qui fleure bon les olives et les épices. Son étal est garni de dizaines de mottes de feta de toutes sortes. Si vous n’avez pas eu la chance de croiser un vendeur de rue portant bien haut son arbre à simit (sorte de bretzel au sésame), il vous sera possible d’en trouver dans cette épicerie, avec du pain frais. Dégustez une tartine de miel et de feta, vous ne trouverez pas d’équivalent pour régaler vos papilles !
Un choix s’impose ensuite : descendre vers la gauche, suivre la route pavée aux façades dépareillées, défraîchies pour la plupart, et gagner l’agitation sonore d’un boulevard. Le traverser est une aventure en soi, mais si vous y parvenez, une étendue de terrasses paisibles vous sera offerte. Vous pourrez y boire un thé en fumant un narguilé et en jouant au tavla (le nom turc du backgammon), en toute quiétude. Vous pourrez également vous laisser mener par l’odeur du poisson grillé, longer le boulevard, et découvrir le pont de Galata surplombant le Bosphore… Célèbre détroit dont l’activité est tout aussi frénétique : vapur, cargos et vedettes touristiques s’y croisent dans une joyeuse pagaille ininterrompue, faisant fi du code maritime. Sous le pont, n’hésitez surtout pas à vous restaurer de fruits de mer et de kumpir (vous ai-je déjà parlé de cette énorme patate que l’on garnit de crudités et de condiments ?), en admirant les reflets scintillants du bleu vert de l’eau et de l’or des minarets.
Mais si, en quittant Kadirler Yokuįʂu, c’est à droite que vous choisissez d’orienter vos pas, il faudra vous armer de votre meilleur souffle ; admirer les immeubles de plus en plus cossus ; passer devant le luxuriant jardin du Palais de France, bâtisse claire aux pierres tendres maintes fois reconstruite entre le XVIIe et le XIXe siècle ; avant de vous jeter dans l’agitation d’Istiklal, la grande artère piétonne d’Istanbul.
Ici se côtoient tous les personnages : les femmes fardées, moulées et perchées sur de hauts talons ; les femmes élégamment voilées ; les femmes dérobées à nos yeux. Les hommes dont la crête gelée complète de manière savante les jeans déchirés ; les vieux dont les rides incrustées dans leur peau tannée témoignent d’un vécu de labeur ; les hommes affairés aux multiples trafics, leurs doigts égrenant leur tesbih et leurs pieds ornés de mocassins usés ; les transsexuels à la panoplie ostentatoire ; les étudiants de tous pays et du reste du pays…
Istiklal est cernée par l’hexagone… Son ancien et pittoresque tramway rouge peut vous mener du Palais de France à l’immaculé Institut français qui augure la place Taksim. Je vous invite à déambuler au sein de la bibliothèque fournie de l’Institut, à laquelle j’ai consacré de nombreuses heures…
Tout est vendu, tout est proposé sur Istiklal, des objets les plus modernes (vêtements et chaussures excentriques et dernier cri) aux plus traditionnels (échoppes de loukoum, horlogeries…). Errez, mes amis, dans les ruelles perpendiculaires, vous serez assaillis par les douces odeurs des abondants marchés de légumes !
Le cœur d’Istanbul bat ici, il bat aussi dans ses bars et ses restaurants, lieux bruyants et cosmopolites, qui se nichent jusqu’aux toits. Si vous n’avez pas peur d’y perdre votre âme, passez-y la nuit, enivrez-vous de mets et d’alcools, de rencontres et de conversations multimodales. Soyez prudents tout de même : Istanbul est folle. Vous pourrez y vivre les moments les plus intenses de votre vie, les plus riches, mais la violence n’est jamais loin. Car c’est bien le paradoxe de ce pays : les caractères les plus intrépides et les plus coutumiers s’y côtoient, les mœurs les plus libérées et les plus corsetées s’y affrontent.
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Céline Benoit, rédactrice biographe à Auray (56)